Remettre la prévention du paludisme sur de bons rails
Kampala – Au cours des deux dernières décennies, le monde a réalisé des progrès importants dans la réduction du nombre de cas et de décès dus au paludisme. Cependant, le rythme des progrès est resté au point mort dans de nombreux pays africains où le fardeau du paludisme est le plus important. Les cas de paludisme dans le monde ont baissé de 29 % entre 2000 et 2019, mais seulement de 2 % entre 2015 et 2019, tandis que les décès ont baissé de 15 % entre 2015 et 2019 contre 60 % entre 2000 et 2019. Le Prof. Francis Omaswa, directeur exécutif du Centre africain pour la santé mondiale et la transformation sociale, explique ce qui doit être fait pour remettre la lutte contre le paludisme sur de bons rails.
Pourquoi devons-nous repenser la prévention du paludisme ?
Il existe deux principales raisons pour lesquelles nous devons repenser la prévention du paludisme en Afrique. D’une part, les indicateurs de performance ont stagné et se dégradent dans certains domaines. D’autre part, la transition des systèmes de santé avec un leadership vertical à l’appropriation communautaire s’opère avec la création et l’application de solutions locales par les communautés touchées. Ainsi, en raison de problèmes de gouvernance, nous dévions de notre objectif qui est d’éliminer le paludisme. Moins d’argent est consacré aux programmes de prévention du paludisme et la morbidité palustre n’est pas considérée comme une priorité par les dirigeants politiques, encore moins par les populations. Nous constatons un relâchement des efforts malgré des données qui indiquent que nous stagnons. La nouvelle orientation de la lutte contre le paludisme consiste à mettre fin à la riposte du haut vers le bas et à s’engager dans des systèmes de soins de santé primaires intégrés et centrés sur la personne. En effet, il s’agit là du fondement des systèmes de santé du futur, non seulement pour lutter contre le paludisme, mais aussi pour parvenir à des soins de santé universels et atteindre les objectifs de développement durable.
Pourquoi les progrès en matière de la lutte contre le paludisme ont-ils ralenti ?
La cause première de ce ralentissement est l’absence d’engagement politique et l’idée selon laquelle la lutte contre le paludisme est déjà prise en charge par les initiatives mondiales en faveur de la santé, telles que le Fonds mondial et d’autres donateurs. Deuxièmement, la collaboration doit être renforcée entre les responsables des programmes de lutte contre le paludisme qui produisent des données et les décideurs qui allouent les ressources. Il ne suffit pas de générer des statistiques. Ce qui n’a pas fonctionné, c'est le lien entre les besoins des populations, les chercheurs sur le paludisme et les décideurs politiques. Ce trio s’est effondré. Le paludisme est un défi socioéconomique et de développement persistant qui ne peut être résolu par des experts techniques travaillant de manière isolée. Une nouvelle génération d’acteurs est nécessaire. Elle doit être issue de tous les secteurs de la société et doit s’appuyer sur l’approche englobant toutes les couches de la société.
Quelles sont les conséquences de ce ralentissement ?
Nous ne pouvons pas accepter que des enfants meurent du paludisme, que des femmes enceintes connaissent des complications et meurent du paludisme. Accepter l’intolérable, c’est ce qui s’est passé, et cela doit changer. Nous ne pouvons pas accepter des décès qu’il est possible d’éviter. Nous devons nous assurer que les personnes touchées participent aux efforts visant à améliorer leur vie et leur bien-être. Tel est le rôle primordial que joue un système de santé centré sur la personne. Les systèmes de santé communautaires devraient être habilités à prendre des mesures. Tant que cela ne sera pas le cas, la situation continuera à s’empirer.
Nous avons une nouvelle opportunité de repenser la prévention du paludisme, de prendre un nouveau départ et de tirer les leçons des échecs passés.
Comment pouvons-nous nous remettre dans la bonne direction pour atteindre les objectifs de réduction de cas de paludisme ?
Pour nous remettre dans la bonne direction, nous devons ouvrir le dialogue avec tous les acteurs, en particulier les communautés et les dirigeants politiques. Nous devons aussi mettre sur la table des données probantes provenant de chercheurs, d’universitaires et de groupes de réflexion. En outre, nous devons nous éloigner de l’approche verticale actuelle en matière de lutte contre le paludisme et donner aux communautés et aux dirigeants locaux les moyens de promouvoir des solutions durables.
Le paludisme devrait être le moteur de la riposte à d’autres problèmes de santé. Celle maladie se prête très bien à la collaboration intersectorielle, car elle a des impacts socioéconomiques énormes. Le paludisme a un impact sur l’agriculture, l’environnement, les économies des ménages et il tue les enfants et les femmes. Ces raisons sont suffisamment convaincantes pour que les gouvernements et les communautés trouvent et mettent en œuvre des solutions durables. Cette approche ne fonctionne pas seulement contre le paludisme, mais aussi contre la tuberculose, dans le cadre de la santé de la mère et contre d’autres maladies transmissibles en Afrique.
L’approche pansociétale et la collaboration intersectorielle nous permettront de nous remettre dans la bonne direction. La réussite ne sera possible qu’avec une nouvelle vision, des actions, des moyens et des innovations collectives dirigées par les populations.
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